Statements & Speeches

Troisième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non- fumeurs et d’autres lois en conséquence

June 2, 2017

Honorables sénateurs,

Il y a quelques semaines, lorsque j’ai conclu mon intervention à l’étape de la deuxième lecture, j’espérais que, au comité, les témoignages d’experts éclairent certains des enjeux les plus importants liés au projet de loi S-5 et nous aident, nous, sénateurs qui sommes sur le point de modifier la Loi sur le tabac, à faire les choses correctement. Aujourd’hui, pour la troisième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence, je vais essayer, à titre de porte-parole de l’opposition chargé du projet de loi, de rendre compte de l’essentiel de ce que nous avons appris aux audiences du comité et des raisons qui m’ont amenée à proposer l’amendement que les membres du comité ont accepté à l’unanimité. Cet amendement figure dans le rapport du comité.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a consacré 5 séances au projet de loi, entendu 21 témoins et reçu plus de 35 mémoires officiels et d’innombrables autres exposés. Vous avez déjà entendu la marraine du projet de loi, la sénatrice Petitclerc, parler de certains des problèmes auxquels le comité a dû s’attaquer pendant ses audiences. Je vais essayer d’éviter les répétitions inutiles, mais je rappelle aux sénateurs que le projet de loi S-5 modifie la Loi sur le tabac pour ajouter une classe nouvelle et distincte de produits, les produits de vapotage, et propose d’en réglementer la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion.

La ministre de la Santé et les fonctionnaires de Santé Canada ont insisté dans leur témoignage sur le fait que le projet de loi constitue une recherche d’équilibre entre la volonté du gouvernement de protéger les jeunes contre les dangers de l’accoutumance à la nicotine et celle de permettre aux fumeurs adultes d’accéder aux produits de vapotage. Comme les membres du comité l’ont entendu, cet équilibre est précaire. Et les restrictions sont jugées excessives par certains, mais insuffisantes par d’autres.

Comme nous le savons maintenant, le vapotage est un nouveau phénomène social qui est apparu il y a peut-être une dizaine d’années. Les témoins ont confirmé qu’il faudra deux ou trois décennies encore avant que nous ne comprenions pleinement les questions d’ordre scientifique et sécuritaire associés au vapotage et aux dispositifs utilisés, comme la cigarette électronique.

Je vais commencer par résumer rapidement une partie des témoignages que les membres du comité ont entendus au sujet des plus importants enjeux de santé publique d’aujourd’hui, car cela fera comprendre à quel point notre compréhension est imparfaite.

Il y a quatre grandes inconnues dans le débat de santé publique sur le vapotage et la cigarette électronique : la cigarette électronique est-elle un moyen efficace d’arrêter de fumer? La cigarette électronique guidera-t-elle les jeunes vers le tabagisme, auquel elle les initierait? Quel est le degré de toxicité des vapeurs inhalées par les consommateurs? Y a-t-il des risques associés à l’exposition à la vapeur secondaire?

Premièrement, donc, dans quelle mesure la cigarette électronique est-elle un moyen efficace d’arrêter de fumer?

Une représentante de l’Association canadienne de la vape a comparu devant le comité et a souligné que :

Le nombre de produits de vapotage s’est multiplié partout au Canada, et l’on estime qu’il existe actuellement plus de 800 établissements de détail et de fabrication, soit plus de 5 000 employés au service de centaines de milliers de clients, qui produisent des revenus de plus de 350 millions de dollars […] [La croissance de l’industrie] a été le résultat direct d’une demande substantielle pour ces produits chez des millions de fumeurs au Canada à la recherche d’une solution de rechange à la cigarette.

M. Hammond, professeur à l’école de la santé publique de l’Université de Waterloo, a précisé que nous avons besoin de plus de données scientifiques pour déterminer si, par exemple, la cigarette électronique est aussi efficace que d’autres formes de thérapie de remplacement de la nicotine. Il a aussi mentionné que le double usage est l’une des principales utilisations au Canada :

[…] c’est-à-dire que les consommateurs fument et utilisent aussi un produit de vapotage. À ce jour, nos meilleures données scientifiques suggèrent qu’il n’y a peut-être pas d’avantages pour la santé à utiliser la cigarette électronique de cette façon. Il faut arrêter de fumer pour voir un avantage. Il se peut que certaines personnes utilisent des produits de vapotage pour réduire leur consommation de cigarettes et qu’elles prévoient cesser de fumer à long terme, ce qui serait un résultat positif.

Le Dr Britton, professeur d’épidémiologie à l’Université de Nottingham et directeur du Centre d’études sur le tabac et l’alcool du Royaume-Uni, a également mis l’accent sur notre manque de compréhension à l’égard de ces produits, par rapport aux thérapies établies et autorisées de remplacement de la nicotine.

Il a fait valoir que la cigarette électronique est, d’abord et avant tout, un produit de remplacement de la cigarette. Elle ne constitue pas une thérapie, et « il y aura donc inévitablement un énorme double usage de ces produits ».

Voici ce qu’il a déclaré :

Il existe des données qui prouvent que les fumeurs qui commencent à utiliser un autre produit de nicotine pendant qu’ils fument sont beaucoup plus susceptibles, soit deux fois plus susceptibles, de cesser de fumer que ceux qui ne le font pas […] L’avantage pour la santé d’utiliser un produit de vapotage est négligeable lorsque les fumeurs continuent de fumer, mais l’avantage pour ceux qui font entièrement la transition vers une autre source de nicotine est énorme. L’essentiel […] [c’est que nous] ne devrions pas les considérer comme des produits de sevrage tabagique, mais plutôt comme des substituts de tabac.

Le comité a-t-il entendu suffisamment de témoignages pour établir que l’utilisation de la cigarette électronique poussera davantage les jeunes vers le tabagisme, ce qu’on appelle l’effet de passerelle?

Lorsque le comité l’a interrogé sur cette question, M. Hammond a expliqué ce qui suit :

En fait, nous allons bientôt publier une étude dans un journal médical qui va démontrer ce phénomène. Il s’agit d’une étude longitudinale : nous avons suivi 20 000 jeunes sur 12 mois. Au début, chacun des participants était non-fumeur. Parmi ces jeunes non-fumeurs, ceux qui ont essayé un produit de vapotage étaient très susceptibles de devenir fumeurs. Voici ce qu’il en est : c’est l’effet de passerelle. Cela s’applique au tabac, à l’alcool et à la marijuana. En grande partie, cela s’explique par le fait que les jeunes qui sont susceptibles de fumer sont aussi ceux qui sont susceptibles d’essayer un produit de vapotage.

Encore une fois, c’est ce qui brouille les résultats. Y a-t-il un lien? Oui. En est-il un de cause à effet? C’est probablement juste le fait que les jeunes qui aiment essayer ce genre de choses vont les essayer.

Les propos du Dr Britton ont fait écho aux observations de M. Hammond :

[…] les jeunes qui sont plus susceptibles d’essayer des produits de vapotage sont aussi plus susceptibles d’essayer des cigarettes. [Le lien] en est-il un de cause à effet? Probablement pas.

Ces deux témoins, qui font des recherches sérieuses dans le domaine, s’entendent pour dire que :

[…] c’est plus important que jamais de surveiller les comportements d’utilisation du tabac et de la nicotine chez les jeunes et les adultes. [Nous] ne savons pas tout à fait ce qui arrivera au fur et à mesure que ces produits évolueront.

Le Dr Peter Selby, du Centre de toxicomanie et de santé mentale au Canada, était également de cet avis :

Pour ce qui est de savoir si ces jeunes se mettront ensuite à fumer des cigarettes, c’est une question ouverte, mais il y a lieu de se demander pourquoi quelqu’un voudrait passer d’un produit plus propre et fonctionnel à un autre qui est plus dangereux.

La troisième grande question de santé publique concerne la toxicité de la vapeur inhalée par les utilisateurs de cigarettes électroniques, et la plupart des gens s’entendent pour dire que ces vapeurs sont moins nocives que la fumée du tabac. Voici ce que le Dr Britton a dit :

Nous ne connaissons pas les effets à long terme des autres composantes de la vapeur. En fait, nous ne savons pas quels sont les effets à long terme possibles de l’inhalation de la nicotine pure. Nous ne connaissons pas les effets à long terme sur les poumons de l’exposition […] à la vapeur […] et aux toxines produites par le processus de vapotage au moyen des composantes du fluide […] À long terme, je m’attends à ce que ces substances provoquent des problèmes pulmonaires. […] Nous nous attendons à ce que l’éventail des dommages comprenne des maladies pulmonaires semblables à celles actuellement causées par le tabagisme, mais à un niveau de risque beaucoup plus faible. Par conséquent, au cours des 50 prochaines années, j’estime qu’il y aura une poignée de cas de cancer du poumon causé par le vapotage. On doit toutefois comparer ce nombre aux dizaines de milliers de cas de cancer du poumon qui seront probablement causés par le tabagisme.

Des témoins ont dit que ce débat était l’un des plus difficiles pour les gens du milieu de la santé publique en raison de ce qui semble être des données contradictoires sur les effets à long terme du vapotage sur la santé. Le Dr Britton — et M. Hammond s’est dit du même avis — a affirmé ceci : « Les cigarettes électroniques ne sont pas sécuritaires ou, devrais-je dire, il est très peu probable qu’elles soient sécuritaires. Il faudra attendre deux ou trois décennies avant d’apprendre à quel point elles sont sécuritaires. Nous pouvons toutefois prédire, selon la quantité de toxines dans la vapeur, que le risque sera très faible comparativement à celui du tabagisme. […] il est très peu probable que les cigarettes électroniques posent plus de 5 p. 100 des risques du tabagisme. »

Quant à l’exposition secondaire aux vapeurs de cigarette électronique, on s’entend pour dire, selon les conclusions que nous avons tirées quant aux effets directs sur la santé, que la cigarette électronique émettrait moins de produits chimiques dans l’air et qu’il y a très peu de preuves, s’il y en a, qui indiquent que les vapeurs puissent être nocives. Toutefois, il faut souligner que Melodie Tilson, de l’Association pour les droits des non-fumeurs, a mentionné que la méthodologie est erronée et que, à l’heure actuelle, on ne sait pas bien comment mesurer les produits chimiques et les particules qui sont probablement libérés dans l’air.

Honorables sénateurs, quelles ont été les questions les plus difficiles, voire controversées, pour les membres du comité? Il y a eu d’intenses discussions lors des audiences du comité au sujet des concepts de réduction des méfaits et de la comparaison des risques liés à la cigarette électronique et au vapotage, et sur la façon de transmettre ce type d’information aux consommateurs.

Le Dr Britton, professeur d’épidémiologie à l’Université de Nottingham et directeur du Centre d’études sur le tabac et l’alcooldu Royaume-Uni, a souligné que c’est exactement pour cette raison qu’il a demandé à témoigner devant le comité. Permettez-moi de citer exactement ce qu’il a dit :

La simple raison pour laquelle j’ai demandé à témoigner aujourd’hui concernant le projet de loi canadien est la disposition qui touche aux comparaisons avec la sécurité du tabagisme. Je crois qu’il est absolument essentiel que les professionnels de la santé puissent dire ceci aux fumeurs : « Nous ne connaissons pas les risques à long terme de ces produits. Il serait de loin préférable que vous cessiez de fumer et de consommer de la nicotine pour toujours. Cependant, si vous en êtes incapables, il va de soi que vous devriez opter pour un produit moins nocif. » À mon avis, il n’y a aucun doute que les cigarettes électroniques sont moins dangereuses que les cigarettes ordinaires.

Le Dr Britton a bel et bien dit que le Royaume-Uni a adopté une position de « réduction des méfaits » relativement à la dépendance à la nicotine qui se concentre sur l’arrêt de la consommation, même si c’est seulement pour passer à une autre source de nicotine qui ne produit pas de fumée, celle-ci étant la source des toxines meurtrières.

Pippa Beck, de l’Association pour les droits des non-fumeurs, a indiqué que le débat sur ce qu’elle a appelé le « degré » d’innocuité relative de la cigarette électronique était vif. Cette cigarette est-elle vraiment moins nocive à 95 p. 100, comme on l’entend souvent, ou est-ce que le taux d’innocuité se situerait plutôt dans la fourchette de 60 à 80 p. 100, comme l’a déclaré à plusieurs reprises l’Organisation mondiale de la santé?

Dans son témoignage, la ministre Philpott a bien souligné que le projet de loi S-5 n’interdisait pas la publication de travaux scientifiques légitimes sur les produits de vapotage et qu’il n’interdisait pas non plus aux gens d’expliquer les risques relatifs de ces produits à la condition qu’ils ne fassent pas la promotion d’une marque ou d’un produit particulier.

Autrement dit, la ministre a dit qu’on essayait d’empêcher la promotion d’un produit à des fins commerciales à l’aide d’allégations relatives à la santé. Toutefois, le projet de loi ne proscrit pas ni ne limite la façon dont les gens parlent des produits. Un magasin de produits de vapotage pourrait offrir de l’information sur ces produits de différentes façons, y compris au moyen de revues professionnelles. On pourrait y parler de la catégorie de produits, communiquer de l’information, mais tout cela dans le cadre d’une discussion qui permettrait de comprendre l’ensemble de la littérature et de s’assurer que le public est bien informé. Cependant, cela ne pourrait pas faire partie d’une campagne publicitaire à des fins commerciales.

De toute évidence, il s’agit de répondre à l’industrie du tabac, qui demande à avoir le droit de faire de la publicité pour tous ses produits dans l’optique d’un continuum de risques pour la santé.

Le sujet de la promotion et de la publicité est probablement celui qui a suscité les discussions les plus stimulantes et les plus enflammées dans les séances du comité. Les témoins représentant les groupes de défense des droits des non-fumeurs, l’Association pulmonaire du Canada et la Société canadienne du cancer ont présenté des arguments très solides en faveur de l’interdiction de toute publicité sociétale pour le vapotage et les cigarettes électroniques. Les témoins ont soutenu que la publicité de style de vie influencerait les jeunes, étant donné que ces derniers y seraient encore exposés de façon indirecte.

Lorsqu’on a demandé à la ministre de la Santé pourquoi les restrictions liées à la promotion des produits de vapotage ne sont pas aussi sévères que celles pour les produits du tabac, elle a répondu que la Charte permet de telles restrictions « lorsque les recherches démontrent clairement que les risques pour la santé publique qui sont associés à ces produits surpassent le droit des entreprises du secteur de faire de la promotion ». Elle a ajouté : « Par contre, dans le cas des produits de vapotage, il n’y a pas ce même équilibre entre les preuves solides sur la nocivité des produits et notre capacité de limiter le droit des entreprises de l’industrie à faire de la promotion. »

Cependant, M. Hammond, professeur à l’école de la santé publique de l’Université de Waterloo, a déclaré avoir de sérieuses réserves quant à la grande quantité de publicité permise aux termes du projet de loi. Pour reprendre ses propos :

Il serait naïf d’assumer que la publicité destinée aux adultes ne stimulera pas l’intérêt des jeunes pour les produits de vapotage. De plus, il est très difficile d’appliquer les interdictions de publicité destinée aux jeunes.

La question est de savoir si [la publicité] augmentera les types d’utilisation qui contribuent à la santé publique.

Les cigarettes électroniques sont utilisées pour de nombreuses raisons, mais leur utilisation par les fumeurs qui essaient d’arrêter de fumer constitue la seule raison qui contribue à la santé publique. À mon avis, les fumeurs n’ont pas besoin de publicités de style de vie pour les encourager à changer de produits. Ce n’est pas parce que les produits de vapotage sont prestigieux, sexy ou amusants que la plupart des fumeurs optent pour eux, mais parce qu’ils ont une dépendance à la nicotine et ils ne veulent pas mourir des suites du tabagisme.

En conclusion, je suis d’avis qu’on ne devrait absolument pas faire la promotion des produits de vapotage au moyen de publicités de style de vie et qu’aucune publicité ne devrait être diffusée à la télévision, à la radio ou par d’autres moyens de communication importants.

En fait, comme l’a souligné la sénatrice Petitclerc dans son discours, notre comité a amendé le projet de loi pour offrir la possibilité de rendre les règlements plus rigoureux après l’entrée en vigueur du projet de loi S-5.

Selon Santé Canada, il faut faire en sorte qu’à l’avenir le gouvernement ait la flexibilité voulue pour réagir aux nouvelles tactiques publicitaires et adopter des règlements, par exemple, pour spécifier où et à quel moment les messages vantant les produits du vapotage pourront paraître.

Ce projet de loi est complexe. Les témoignages devant le comité n’ont pas été concluants; la réglementation doit encore être rédigée, et de façon à être en constante évolution, selon les changements du paysage. Cette flexibilité est nécessaire parce que le vapotage offre de nombreux avantages possibles pour la santé, comparé au tabagisme, mais, pour maximiser ces avantages, il faut exercer rigoureusement des contrôles, de la surveillance et une gestion du risque. De plus, le domaine scientifique évolue rapidement, et il sera nécessaire de répondre aux résultats des nouvelles études avec des restrictions supplémentaires ou même une réglementation plus vaste. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la technologie continuera d’évoluer, que les dispositifs seront plus efficaces pour administrer la nicotine, et que les multinationales introduiront leurs propres cigarettes électroniques et d’autres dispositifs, avec tous les intérêts commerciaux que cela implique. Donc, en plus des avantages, il y aura inévitablement des conséquences imprévues.

En réponse aux questions que j’ai posées à la ministre de la Santé et à Santé Canada sur les questions de la protection de la santé publique et de la surveillance, Hilary Geller, sous-ministre adjointe à la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, nous assure que son ministère a les fonds nécessaires pour mettre en œuvre le projet de loi et qu’il aura un programme de contrôle et de renseignement sur le marché.

Mme Geller a dit que des changements pouvaient être apportés aux règlements sans qu’il y ait réouverture de la législation. On nous a assuré que le règlement initial serait surveillé de près et qu’il y a un budget de 7 millions de dollars pour sensibiliser le public aux risques, mais aussi au potentiel des produits de vapotage pour réduire les méfaits.

En ce qui a trait à la question la plus importante, la surveillance et le contrôle continus pour assurer la modification des règlements en temps opportun, on nous a assuré que les moyens existaient déjà.

Premièrement, l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues est menée aux deux ans, en plus de l’enquête concernant les jeunes. Deuxièmement, les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Institut canadien d’information sur la santé entretiennent déjà une étroite relation avec Santé Canada en ce qui touche la consommation de substances, ils joueront donc un rôle de recherche et d’information quant aux règlements afin qu’ils correspondent aux plus récentes données. Troisièmement, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation est très solide et tout produit de vapotage qui serait dangereux pourra être rapidement visé par un rappel de Santé Canada. Quatrièmement, il y a des sondages de l’opinion publique et des groupes de vapoteurs pour bien comprendre comment les jeunes considèrent ces produits.

Cinquièmement, il y a un plan réglementaire de production de rapports afin que des données sur le vapotage soient recueillies régulièrement, un peu comme c’est le cas dans l’industrie du tabac dans le cadre du règlement sur les rapports.

Honorables sénateurs, que faut-il en conclure? Qu’il y aura de nombreux intervenants qui surveilleront l’application du projet de loi.

La question qui se pose est de savoir quelle est la meilleure manière de prévoir un suivi et une surveillance qui pourront être reflétés de façon coordonnée dans les règlements qui sont fréquemment mis à jour pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens, et plus particulièrement celles des plus vulnérables d’entre eux : les jeunes. L’amendement que je propose, et dont je parlerai un peu plus tard, nous permettra de le faire.

Évidemment, le projet de loi comporte un autre élément dont je dois parler. Il donne le pouvoir à Santé Canada d’imposer des mesures réglementaires d’uniformisation de l’apparence, de la taille et de la forme des emballages et produits du tabac. Différents intervenants ont témoigné à ce sujet et, comme on pouvait s’y attendre, les opinions sont contradictoires.

Gary Grant, policier de Toronto à la retraite et porte-parole de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande, nous a mis en garde :

Environ le tiers des cigarettes achetées en Ontario sont illégales. Dans le nord de la province, c’est plus de deux cigarettes sur trois. Pour sa part, le Québec a indiqué que les produits de contrebande occupent environ 15 p. 100 du marché.

Le conditionnement neutre va ouvrir la voie à la reproduction de l’emballage des produits légaux, y compris les étiquettes de mise en garde, les couleurs, les polices de caractères et les autres détails nécessaires […]

Il deviendra presque impossible pour le consommateur de faire la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas; seule la police y parviendra avec les outils d’analyse appropriés. En fait, la création de produits contrefaits sera désormais viable, ce qui amènera les groupes du crime organisé à essayer de contraindre les détaillants légitimes à vendre des produits illicites. Ce n’est pas actuellement chose possible étant donné la complexité des emballages.

L’argument de la coalition a été repris par l’industrie du tabac. Au lieu de débattre des mesures visant à uniformiser l’apparence, la taille et la forme des produits du tabac, elle a fait valoir que le gouvernement fédéral devrait s’attaquer au très actif marché canadien du tabac de contrebande en intégrant davantage de mesures en ce sens dans la Loi sur le tabac.

En ce qui concerne le modèle inspirant que nous offre l’Australie, le directeur des affaires réglementaires et des relations gouvernementales à Imperial Tobacco, Eric Gagnon, avait ceci à dire :

[…] un emballage neutre […] cela ne fonctionne tout simplement pas […] Malgré ce que certains groupes vous diront, la vérité selon [le] gouvernement australien […] c’est que le déclin du tabagisme ne s’est nullement accéléré […] À l’instar du Canada, l’Australie connaissait déjà un déclin d’année en année et cette tendance ne s’est pas accélérée à la suite de l’adoption de l’emballage neutre.

Ces propos, vous l’aurez deviné, ont fait réagir. La Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, l’Association pour les droits des non-fumeurs et l’Association pulmonaire ont toutes réfuté les arguments avancés par l’industrie.

Lorsqu’il a comparu devant le comité, Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer, avait ceci à répondre à l’argument de l’industrie du tabac voulant que rien ne justifie qu’on veuille uniformiser les produits du tabac :

[…] les preuves […] sont indéniables […] un grand nombre d’études provenant du monde entier […] prouvent de façon probante l’efficacité des emballages neutres […] 140 études [existent] sur la promotion et la banalisation des emballages neutres […] . . .

Les allégations de l’industrie […] devraient être ignorées, car elles sont absolument sans fondement […]

Puis, en parlant de l’expérience australienne, M. Cunning a déclaré que l’industrie du tabac faisait de la désinformation.

M. Hammond, professeur à l’école de la santé publique de l’Université de Waterloo, a dit ceci aux membres du comité :

J’admets que je suis un peu préoccupé par certaines des informations erronées sur l’emballage neutre, notamment l’incidence de l’emballage neutre en Australie. Il est indéniable que l’Australie a connu la baisse la plus importante de son histoire dans la prévalence du tabagisme après avoir imposé l’emballage neutre. Selon l’analyse la plus poussée à avoir été menée à ce jour, après avoir tenu compte des hausses de taxe et des autres mesures mises en place pendant la période en question, l’emballage neutre a permis de réduire de plus de 100 000 le nombre de fumeurs australiens. Si l’emballage neutre avait le même effet au Canada, cela se traduirait par une baisse de 190 000 fumeurs. Les données scientifiques sur l’emballage neutre proviennent de près de 100 études scientifiques publiées qui concordent avec les données australiennes.

Honorables sénateurs, l’Australie est le premier pays qui a uniformisé l’apparence, la taille et la forme des emballages et des produits du tabac. Plus récemment, la France, le Royaume-Uni et l’Irlande ont également légiféré dans le même sens, mais il est trop tôt pour connaître les effets obtenus. Nous avons reçu des renseignements qui confortent les deux points de vue et il existe des controverses.

Le projet de loi S-5 ne donne guère de précisions sur l’emballage, comme la forme exacte des paquets, et il ne dit pas non plus si les tubes porteront des marques de commerce. On prévoit élaborer les dispositions réglementaires après l’analyse complète des points de vue exprimés au cours des consultations du ministère.

Le comité a appris que le sous-ministre avait reçu un rapport du gouvernement australien décrivant son expérience de l’emballage neutre, et on lui a signalé que le ministère de l’Immigration et de la Protection des frontières n’a rien trouvé qui permette d’affirmer que, depuis son imposition, en 2011, l’emballage neutre ait eu quelque impact sur le marché du tabac illicite

Le comité a demandé à voir cette lettre, mais il ne l’a pas encore reçue, à ce que je sache. Le sous-ministre adjoint de Santé Canada a déclaré qu’on prendrait tous les moyens afin de suivre l’évolution de la situation au Canada.

Il faut souligner que le ministère a terminé les consultations sur les formes que les règlements devraient prendre, et il doit en être question dans les consultations sur la stratégie de lutte contre le tabac.

Honorables sénateurs, allons-nous revenir sur ma déclaration initiale? J’espérais que les audiences du comité nous donneraient une image plus nette des principaux enjeux de santé publique et de sécurité dont nous pourrions tenir compte dans le projet de loi S-5. Comme vous pouvez le deviner, il s’agit d’un champ de recherche tout neuf où les choses évoluent rapidement, les incertitudes sont nombreuses parce que la recherche scientifique n’est pas avancée, et le texte du projet de loi laisse bien des détails à préciser dans les règlements.

Beaucoup de ministères, d’organismes et d’entités intéressées participeront à ce travail. La question qui s’imposait était la suivante : comment les législateurs peuvent-ils s’assurer qu’ils ont fait la bonne chose, que le projet de loi a trouvé le délicat équilibre à ménager entre la protection des jeunes et la possibilité, pour les fumeurs, de faire des choix moins nocifs?

Compte tenu de toutes les incertitudes, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il y avait lieu d’apporter un amendement sérieux.

Mon amendement, que le comité a adopté à l’unanimité, rendra obligatoire un examen des dispositions et du fonctionnement de la loi trois ans après son entrée en vigueur et tous les deux ans par la suite. Voici comment il est libellé :

[Le ministre] fait déposer un rapport sur la question devant les deux Chambres du Parlement dans l’année qui suit le début de l’examen.

Le comité a discuté des délais à prévoir et il a été convenu à l’unanimité qu’une période de trois ans suffirait pour rédiger la réglementation et l’intégrer à la loi, la rendre pleinement opérationnelle et l’évaluer au départ.

Il ne faut pas oublier que nous avons appris qu’il existe au moins trois sources de collecte de données et de recherche pour soutenir la surveillance nécessaire concernant le projet de loi S-5. Je les ai énumérées tout à l’heure. Par conséquent, il ne devrait pas être trop onéreux et pénible pour Santé Canada et le ministre de remettre un rapport aux deux Chambres dans l’année suivant le début du travail sur le rapport. Cela correspond à la quatrième année suivant l’édiction du projet de loi S-5.

Honorables sénateurs, j’appuie le projet de loi S-5, mais seulement avec l’assurance que donne l’amendement prévoyant un examen complet et la remise d’un rapport d’ici trois ans.

Merci.