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Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs: Adoption du deuxième rapport du comité

May 4, 2021

Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs, au nom duquel je prends d’ailleurs la parole. Le présent rapport propose des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs à la lumière de la nouvelle Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence.

Le 16 février 2021, le Comité de régie interne a déposé son quatrième rapport. Ce rapport visait à informer le Sénat qu’une nouvelle politique sur la prévention du harcèlement avait été adoptée par le comité. Le 30 mars 2021, le Sénat a adopté une motion visant à abroger la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail au Sénat adoptée en 2009, ainsi que le processus intérimaire entrepris en 2019 pour le règlement des plaintes de harcèlement.

En raison de l’entrée en vigueur imminente de la nouvelle politique, le Comité de l’éthique a cherché à savoir si des modifications au code étaient conseillées à la lumière de la politique.

D’emblée, je voudrais vous expliquer et vous préciser le mandat du comité. Selon le Règlement du Sénat, le Comité de l’éthique est autorisé à traiter, de son propre chef, toutes les questions relatives au code.

Cependant, en ce qui a trait à la nouvelle politique, le comité n’a pas le pouvoir d’établir ou de modifier son contenu. La politique est du ressort exclusif du Comité de régie interne, soit hors du mandat du Comité de l’éthique. Par conséquent, le présent rapport ne concerne que l’appariement de la nouvelle politique et du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Certains sénateurs craignent que le processus prévu par la politique pour traiter les plaintes de harcèlement et de violence ne s’étende pas aux délibérations parlementaires puisque celles-ci sont protégées par le privilège parlementaire. Or, cela voudrait dire qu’il n’existe aucun recours contre l’inconduite lorsque celle-ci se produit pendant les délibérations.

Permettez-moi de rappeler aux sénateurs les mécanismes qui existent à l’heure actuelle pour gérer la conduite inappropriée lors d’une séance du Sénat ou d’une réunion de comité. Ces mécanismes comprennent le recours au Règlement et la question de privilège. Conformément au Règlement du Sénat et à la procédure parlementaire longuement établie, les sénateurs peuvent porter tout comportement constituant du harcèlement ou de la violence survenant au cours d’une séance du Sénat ou d’une réunion de comité sénatorial à l’attention du Président du Sénat ou du président du comité, selon le cas.

Le Sénat et ses comités, sous réserve de l’autorité du Sénat, ont le pouvoir exclusif de réglementer leurs propres délibérations. Si le Sénat adopte un jour des modifications à ses règles concernant le harcèlement et la violence perpétrés dans le cadre des délibérations, notre comité examinera alors si des modifications connexes au code s’imposent.

Dans le cadre du mandat précis de notre comité, nous estimons que des modifications sont nécessaires pour harmoniser le code avec la nouvelle politique.

Notre comité est arrivé à cette conclusion après s’être réuni en février pour examiner comment la politique interagit avec le code, puis en mars pour discuter de la possibilité de modifier le code. Les membres du comité se sont également entretenus avec le conseiller sénatorial en éthique pour entendre son point de vue sur les modifications proposées. Son assistance s’est avérée essentielle pour faire en sorte que les modifications proposées correspondent à son rôle et à ses responsabilités, tels que définis dans le code et dans la Loi sur le Parlement du Canada. Il était également important de veiller à ce qu’il comprenne bien le processus proposé dans le code en matière de harcèlement et de violence.

Avant d’envisager la modification du code, le comité a examiné le caractère adéquat du processus actuel dans les cas où un sénateur fait preuve de harcèlement ou de violence. Nous avons établi que l’approche actuelle du code s’avérerait répétitive et cadrerait mal avec le processus prévu par la politique.

Le comité a noté que selon les dispositions actuelles du code, le conseiller sénatorial en éthique, lorsqu’il est saisi d’une question, doit d’abord réaliser un examen préliminaire, puis une enquête, s’il y a lieu. Cela peut prendre du temps et faire appel à des exigences procédurales, comme des avis aux parties et des entrevues sous serment.

D’ailleurs, le comité a tiré des leçons du rapport d’enquête de 2019 concernant l’ancien sénateur Meredith. En effet, l’enquête du conseiller sénatorial en éthique avait accusé des retards en raison, entre autres, de la nécessité de recommencer l’entrevue de personnes ayant participé antérieurement à une enquête indépendante sur des allégations de harcèlement. Nous avons cherché à éviter des problèmes semblables pour l’avenir.

Par ailleurs, le comité a examiné les observations formulées dans le rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique concernant l’ancien sénateur Don Meredith. Le conseiller sénatorial en éthique précise que son rôle n’est pas d’usurper le rôle d’employeur du Sénat en interprétant et en appliquant les politiques du Sénat, et qu’il ne procédera pas à une enquête en vertu du code à moins que les allégations de harcèlement aient été corroborées par le Sénat.

En plus de ces considérations, le comité a suivi cinq principes clés dans le cadre de ses délibérations.

Premièrement, le comité est conscient des réalités des processus de résolution de cas de harcèlement au travail. Il est important que tout processus lancé en vertu du code tente de réduire au minimum toute autre conséquence sur une personne qui a été victime de violence et de harcèlement.

Deuxièmement, nous avons tenu compte de la confidentialité et de la vie privée des parties, comme l’exigent la politique et les lois applicables. Les modifications apportées au code devraient également préserver la confidentialité des personnes concernées. Cela n’empêcherait toutefois pas la divulgation de certaines informations qui sont parfois nécessaires, comme le nom d’un sénateur dans un rapport soumis au Sénat en vue d’une décision.

Troisièmement, le comité est conscient de l’importance du respect des délais dans les affaires de harcèlement et de violence. Nous avons également remarqué le délai de six mois prévu par la politique pour l’achèvement du processus de résolution. Ainsi, nous avons estimé que certaines exigences procédurales en vertu du code devraient être modifiées lorsque le conseiller sénatorial en éthique reçoit un rapport d’un enquêteur expert indépendant en vertu de la nouvelle politique.

Quatrièmement, le comité était conscient des capacités limitées du conseiller sénatorial en éthique d’enquêter sur des cas de harcèlement ou de violence. Les enquêteurs doivent posséder les connaissances, la formation et l’expérience requise par le règlement fédéral pertinent concernant le harcèlement et la violence en milieu de travail, ce que le conseiller sénatorial en éthique ne possède pas de façon intrinsèque. Nous considérons qu’il est approprié de s’en remettre au travail des enquêteurs experts en la matière.

Enfin, nous avons reconnu que le contexte a son importance et que les circonstances peuvent être très différentes d’un cas à l’autre. Conséquemment, toute modification au code devrait donner au comité la souplesse nécessaire pour remplir ses obligations et répondre aux différentes situations qui se présentent.

À la lumière de ces principes et pour s’harmoniser aux exigences de la politique, le comité propose de modifier le code en y ajoutant de nouvelles dispositions, qui s’appliqueraient expressément à la conduite d’un sénateur qui constitue du harcèlement et de la violence. Par souci de clarté, le nouveau processus prévu dans le code est utilisé seulement si le conseiller sénatorial en éthique reçoit un rapport d’un enquêteur fait en vertu de la politique.

Je vais maintenant fournir un exemple de la façon dont le comité voit la séquence des événements pour les modifications proposées au code.

Si le sénateur X fait l’objet d’une enquête en vertu de la politique, le rapport d’enquête final serait remis au conseiller sénatorial en éthique. Conformément aux modifications que nous proposons, le conseiller sénatorial en éthique le transmettrait au Comité sur l’éthique dès que possible. Le conseiller sénatorial en éthique ne prendrait aucune mesure supplémentaire à ce moment-là. Il ne procéderait ni à un examen préliminaire ni à une enquête. Toutefois, le Comité sur l’éthique pourrait demander au conseiller sénatorial en éthique de formuler des recommandations pour d’éventuelles mesures correctives ou disciplinaires. Avec ou sans les recommandations du conseiller sénatorial en éthique, le Comité sur l’éthique peut recommander des sanctions au Sénat dans un rapport public qui nommerait le sénateur. Le Comité sur l’éthique peut également renvoyer l’affaire au Comité de la régie interne ou à son sous-comité, à titre confidentiel, pour qu’il prenne des mesures correctives comme une formation supplémentaire.

Les modifications proposées signifient que le conseiller sénatorial en éthique ne fournirait au Comité sur l’éthique que le rapport d’enquête et, au besoin, une recommandation. Le Comité sur l’éthique détermine si les recommandations sont appropriées pour le Sénat ou le Comité de la régie interne. Ni le Comité sur l’éthique ni le conseiller sénatorial en éthique ne mènerait sa propre enquête et ne servirait de mécanisme d’appel.

Maintenant que j’ai expliqué les étapes du processus, j’aimerais attirer votre attention sur les détails des nouvelles dispositions que nous recommandons.

Premièrement, le comité recommande que le code ajoute la nouvelle règle de conduite suivante à titre d’article 7.3 : « Le sénateur s’abstient de toute conduite qui constitue du harcèlement et de la violence.»

Nous estimons important qu’une disposition visant directement le harcèlement et la violence soit incluse dans le code.

Deuxièmement, nous recommandons l’ajout d’une nouvelle disposition selon laquelle une conduite qui, d’après les conclusions d’un rapport d’enquête, constitue du harcèlement et de la violence est considérée comme étant un manquement à l’article 7.3. Ainsi, tout sénateur qui adopterait une conduite considérée comme du harcèlement ou de la violence par un enquêteur expert indépendant contreviendrait aux obligations qui lui incombent en vertu du Code. Par cette modification, on reconnaît et respecte l’expertise de l’enquêteur indépendant, en plus de réduire les risques de rouvrir les blessures des victimes en évitant une autre enquête par le conseiller sénatorial en éthique.

Troisièmement, nous proposons que le conseiller sénatorial en éthique présente le rapport final au sens de la politique au comité aussitôt que possible sans procéder à un examen préliminaire ou à une enquête. En cas d’infraction au nouvel article 7.3, le comité pourra ordonner au conseiller sénatorial en éthique de lui faire des recommandations sur d’éventuelles mesures réparatrices, correctives ou disciplinaires

Ces modifications simplifieront la marche à suivre lorsque le conseiller sénatorial en éthique reçoit un rapport découlant de la politique, elles éviteront que celui-ci ne répète des démarches déjà entreprises par l’enquêteur et elles feront en sorte qu’il sera plus facile de respecter la période de six mois prévue dans la politique pour les processus de règlement.

Quatrièmement, le comité recommande que soit caviardée l’information permettant d’identifier les parties à un processus de règlement, à moins que celles-ci ne donnent leur consentement.

Je précise que ces modifications ne compromettent en rien l’équité procédurale, car la politique prévoit déjà que toutes les parties à un processus de règlement doivent recevoir le rapport final de l’enquêteur en même temps. Pour ce qui est du comité, il en recevra un exemplaire à titre confidentiel en même temps que le conseiller sénatorial en éthique.

J’ajoute également que l’obligation de préserver la confidentialité du processus n’empêchera pas le Comité de l’éthique de divulguer les renseignements que le code l’oblige à divulguer, comme les rapports dans lesquels il recommande au Sénat les mesures disciplinaires dont un sénateur devrait faire l’objet.

De plus, dans les cas exceptionnels, c’est-à-dire lorsqu’il est possible que des actes criminels aient été commis ou lorsque le sénateur quitte ses fonctions, le processus empêcherait le conseiller sénatorial en éthique de suspendre l’enquête. Le comité a estimé qu’il était important de réduire au minimum les retards et de permettre au processus de se dérouler rapidement afin qu’il reçoive toujours dans les meilleurs délais le rapport final d’enquête que prévoit la politique.

Les modifications proposées sont le résultat de l’examen attentif effectué par le comité et de ses délibérations. Si le rapport est adopté, le code fournira au conseiller sénatorial en éthique et au Comité sur l’éthique un mécanisme simplifié pour traiter les cas de harcèlement et de violence, mécanisme qui cadre avec la nouvelle politique.

Le comité recommande donc que les modifications entrent en vigueur dès l’adoption du rapport, pourvu que la politique soit en vigueur, ou dès l’entrée en vigueur de la politique.

Honorables sénateurs, j’aimerais terminer en vous rappelant que le code est un document évolutif. De temps à autre, il faut le modifier pour mettre à jour ses dispositions, éliminer toute ambiguïté et accroître la confiance du public dans le Sénat et les sénateurs.

Le comité croit que ces recommandations tiennent compte du désir du Sénat d’adapter le code aux réalités et aux besoins contemporains de l’institution. Elles rendraient également clair et cohérent le processus sénatorial visant à remédier à certains types d’inconduite.

En adoptant ces recommandations, le Sénat réaffirmerait une fois de plus sa volonté d’exiger des sénateurs qu’ils respectent les normes de conduite les plus strictes, grâce à un processus qui répond aux besoins changeants du Sénat.