Statements & Speeches

Les hommages pour l’honorable Judith G. Seidman et ces remerciements

June 19, 2025

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le recrutement du caucus de l’opposition se déroule si bien que l’heure est venue, selon certains, de commencer à rendre hommage aux sénateurs qui prendront leur retraite dans trois mois.

Sur une note plus sérieuse, le Sénat s’apprête à subir un coup dur. En effet, en septembre prochain, nous perdrons un membre très précieux pour cette enceinte, une personne respectée de tous.

Je parle bien sûr de la sénatrice Seidman, nommée en août 2009, soit quelques mois après moi, qui a parcouru à mes côtés ce long chemin tantôt dans le désert, tantôt dans la forêt, et qui prendra sa retraite le 1er septembre 2025. Elle a été épidémiologiste, chercheuse en santé liée au vieillissement et conseillère en services sociaux. Avant sa nomination au Sénat, elle a mené une carrière active dans la recherche en soins de santé au sein du réseau de l’Université McGill, au Québec. Elle est titulaire de plusieurs diplômes que je ne pourrai pas énumérer ici, faute de temps.

Elle a fait partie d’un certain nombre de conseils d’administration, dont celui de la McGill Society de Montréal, ainsi que du groupe de travail sur l’éducation du McGill Centre for Studies in Aging et du comité d’évaluation du programme de recherche en santé communautaire de Montréal. La liste de ses accomplissements et des distinctions qu’elle a reçues avant son arrivée au Sénat est très longue.

Honorables collègues, pendant près d’une vingtaine d’années, elle s’est illustrée au Sénat. Elle a siégé au sein d’un grand nombre de comités. La liste est d’ailleurs trop longue pour tous les énumérer. Elle a été active dans presque tous les comités du Sénat. Elle s’est illustrée à titre de présidente du Comité sénatorial permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs. Nous savons tous à quel point il peut être délicat de protéger l’intégrité de notre institution. Elle l’a fait pour le Sénat et pour chacun des sénateurs avec toute l’intégrité qu’on lui connaît dans tout ce qu’elle fait.

On peut dire qu’elle n’a jamais cherché à se défiler, quel que soit le dossier, puisqu’elle s’est aussi particulièrement illustrée dans le débat sur l’aide médicale à mourir. Il s’agit d’une question qui m’a toujours déchiré et qui a fait l’objet d’un débat poignant et difficile, mais jamais politique. Il a toujours été question des personnes et de la vie, et c’est là que vous vous êtes vraiment démarquée. Vous avez pris de front le sujet, vous avez parlé du fond du cœur et vous avez très bien exposé toutes les facettes de la question.

Elle est une ardente défenseure des droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire — la communauté anglophone du Québec et la communauté francophone à l’extérieur du Québec —, auxquelles elle est profondément attachée. Elle a aussi toujours agi avec beaucoup d’intégrité. Peu importe le gouvernement ou l’allégeance politique, elle a toujours été cohérente, et c’est ce qui caractérise l’honorable sénatrice Judith Seidman.

Elle a également publié un livre en collaboration avec l’ancien sénateur Serge Joyal. C’était à l’occasion du 150e anniversaire du Sénat, et l’ouvrage s’intitule Réfléchir sur notre passé pour aborder notre avenir. Je vous invite tous à vous en procurer un exemplaire. C’est un travail remarquable au sujet de notre institution.

Plus important encore, la sénatrice Seidman est pour moi bien plus qu’une personnalité publique accomplie, une excellente sénatrice et une collègue. Elle est une amie, une confidente et une conseillère. Lorsque j’ai rédigé ce texte, j’ai mis le mot « amie » en gras, car nous savons tous que, dans la vie politique et publique, il y a des hauts et des bas, des moments forts et des moments difficiles. Je peux vous dire qui est Judith Seidman : lorsque vous êtes au plus bas, c’est la première personne à vous appeler. Le téléphone sonnera, et dès que vous répondrez, elle vous demandera comment vous allez et ce qu’elle peut faire pour vous aider. C’est ainsi que je me souviens de la sénatrice Seidman, et je pense que bien d’autres ici ont des histoires semblables à son sujet.

Par-dessus tout, elle aime profondément sa famille. Je sais qu’ils sont là, à la tribune. Jessica, et bien sûr Zac, votre mère a des étoiles dans les yeux dès qu’elle parle de vous, et elle n’arrête pas de parler de vous.

Oui, Steve, elle parle aussi un peu de vous.

Pour tout vous dire, Jessica, vous êtes la prunelle de ses yeux, et Zac, vous êtes sa vie.

Félicitations, Judith. Vous allez nous manquer terriblement. Vous allez manquer à toute l’institution. Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite des choses.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec un réel plaisir, mais aussi le cœur lourd, que je prends aujourd’hui la parole pour rendre hommage au nom du Bureau du représentant du gouvernement à la sénatrice Judith Seidman, l’une de mes concitoyennes de Montréal et une grande amie pour bon nombre d’entre nous, y compris ma femme Nancy et moi.

Judith, avant d’arriver au Sénat, comme Leo vient de le dire, vous avez consacré votre vie à améliorer celle des Montréalais et des Canadiens en votre qualité d’épidémiologiste, de chercheuse dans le domaine des problèmes de santé causés par l’âge et de conseillère en services sociaux.

Une fois ici — encore une fois comme Leo vient de le dire —, vous avez poursuivi votre travail en défendant avec ferveur les causes sociales et la santé. J’ai toujours admiré votre perspicacité et votre expertise. Je me rappelle — et j’en ai parlé encore dernièrement — les travaux importants que vous avez menés sur les risques associés au vapotage. Vous avez appris beaucoup de choses à vos collègues sénateurs et aux Canadiens en général.

Encore une fois, le travail important que vous avez accompli au sein du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a jeté les bases de ce qui allait devenir le cadre balisant l’aide médicale à mourir, mérite d’être souligné.

Je ne tenterai pas de dresser la liste de tout ce que vous avez accompli au sein des comités, mais je tiens à souligner l’importance exceptionnelle de votre contribution au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Vous vous êtes acquittée de votre rôle avec un grand sens de l’honneur et beaucoup d’intégrité, et je ne peux imaginer quelqu’un de plus digne que vous pour occuper cette fonction.

Je ne saurais conclure sans saluer votre dévouement envers notre ville natale, Montréal, et notre province, le Québec. Votre engagement était évident dès votre première allocution dans cette enceinte, lorsque vous avez rendu hommage aux 14 femmes ayant perdu la vie à l’École Polytechnique. Vous avez travaillé d’arrache-pied pour nous sensibiliser aux mesures à mettre en place pour empêcher que de tels événements tragiques ne se reproduisent. Je sais que vous continuerez à redonner à votre communauté.

Sur une note plus personnelle, vous avez été l’une des premières personnes que j’ai rencontrées lors de ma première semaine en tant que sénateur de l’autre côté de la rue, au Château Laurier, en compagnie de notre ancienne collègue Nancy Greene Raine. Nancy, vous et moi sommes rapidement devenus de bons amis. Nous avons pris plus d’un verre ensemble au Château Laurier et avons développé une amitié qui a été très précieuse pour moi. J’ai toujours pu compter sur vous lorsque j’avais besoin de me confier un peu. J’espère que j’ai pu être et que je pourrai continuer d’être tout aussi présent pour vous, même lorsque nous aurons tous les deux quitté cet endroit.

Encore une fois, au nom du bureau du représentant du gouvernement, je vous souhaite une heureuse retraite. Profitez de votre temps avec votre famille, vos amis, vos proches et tous ceux qui vous aiment et vous respectent. Merci, Judith.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, nous saluons aujourd’hui l’honorable sénatrice Judith Seidman, une collègue parmi les plus émérites d’entre nous — émérite en raison de sa compétence, de ses qualités et de son dévouement. Membre active et influente de cette Chambre, la sénatrice a servi au Sénat pendant 16 ans. Ses réalisations sont nombreuses.

Sa compétence est impressionnante, en premier lieu à cause de l’étendue de ses connaissances dans les domaines des sciences sociales, de la santé, de l’éthique et de la déontologie, et j’en passe. Elle est aussi impressionnante en raison de sa solide expérience comme universitaire et chercheuse. Ses travaux ont fait leur marque et sont encore cités par de nombreux scientifiques, ici comme à l’étranger, y compris dans nos comités sénatoriaux.

Cette grande compétence a fait de notre collègue Judith une référence pour le Sénat et ses comités. Au moment de l’examen de plusieurs projets de loi complexes — et controversés —, l’opinion de la sénatrice Seidman était toujours attendue et écoutée. Quand nous étudions de tels projets de loi, nous voulons entendre des voix documentées, porteuses de rigueur et d’empathie, des voix éclairantes, s’exprimant au-dessus de la mêlée, loin de la désinformation. Des voix courageuses aussi, parce qu’elles portent parfois un point de vue différent de celui que plusieurs voudraient entendre. Depuis bientôt 16 ans, la voix de notre collègue Judith est l’une des plus fortes.

Pendant plusieurs années, j’ai eu le privilège de côtoyer la sénatrice Seidman au Sous-comité sur les ressources humaines, l’un des sous-comités du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. J’en étais la présidente et elle en était la vice-présidente. Comme on pouvait naturellement s’y attendre, Judith a exercé ses fonctions avec rigueur, équité et discrétion, avec le bon jugement qui la caractérise. Je vais vous avouer une chose : elle avait une telle maîtrise de ses dossiers que je m’obligeais souvent à lire et relire la documentation parce que je ne voulais pas me faire prendre à être passée à côté d’une faille ou d’une incohérence qu’elle aurait facilement relevée.

Pour moi et sans doute aussi pour tous les membres du sous-comité, elle créait un esprit d’émulation, tant et si bien que je l’ai toujours considérée comme la coprésidente du sous-comité.

Judith, je vous remercie aussi au nom des autres membres du sous-comité. Madame la coprésidente, vous allez me manquer. Votre crédibilité est telle que, pour siéger au Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, toute notre assemblée vous a accordé sa confiance. Nous savions que nous pouvions compter sur votre bonne compréhension de notre institution, du rôle des sénateurs et du code d’éthique. Nous savions surtout que vous n’alliez jamais contrevenir aux obligations de réserve et de confidentialité qui sont le fondement même de la confiance que nous avons à l’égard des membres de ce comité.

Sénatrice Seidman, chère Judith, le temps que nous passons au Sénat est compté. Vous avez su en faire un très bon usage.

Chère Judith, au moment où vous retournez à Montréal, cette ville où vous êtes si fière de vivre, je vous dis merci et bravo. Au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, je vous témoigne aussi toute notre admiration et notre gratitude et je vous offre nos meilleurs vœux de bonheur.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, nous approchons à grands pas de l’ajournement de l’été, et il ne reste plus que quelques jours de séance à notre collègue la sénatrice Judith Seidman. C’est avec un pincement au cœur que nous devrons lui dire au revoir dès qu’elle quittera cette enceinte, et le Sénat ne sera plus le même sans elle.

Elle est arrivée au Sénat en 2009 avec huit autres sénateurs — et ceux qui étaient là à l’époque s’en souviennent sans doute — qui affichaient une affinité extraordinaire pour un parti politique. Parmi eux figurait la sénatrice Seidman, qui accordait une grande importance aux études minutieuses, insistait sur l’objectivité et les données quantitatives et favorisait la coopération bipartisane.

Si vous voulez une preuve de sa capacité à tendre la main à ses collègues d’en face, il suffit de penser au livre qui a été mentionné plus tôt et sur lequel elle a travaillé avec le sénateur Joyal, Réfléchir sur notre passé pour aborder notre avenir : une initiative du Sénat pour le Canada. Imaginez un peu : un libéral et une conservatrice travaillant ensemble à un projet commun. C’est vraiment beau à voir.

Pour ceux que cela intéresse, le livre est actuellement en vente avec une réduction de 30 % sur Amazon.

Le sénateur Housakos : Plus le rabais accordé au Sénat.

Le sénateur Tannas : Plus le rabais accordé au Sénat, oui.

Je pense aussi à la fois où la sénatrice Seidman, quelques autres collègues et moi-même avons assisté aux désormais célèbres rencontres entre les sénateurs Massicotte et Greene sur la réforme et la modernisation du Sénat. Je me souviens très bien de ces réunions, où notre présence a été considérée par certains comme un acte de sédition. Quoi qu’il en soit, Judith participait activement aux discussions et cherchait toujours à trouver des moyens d’améliorer ou de changer les façons de faire de l’institution.

Avec la sénatrice Seidman, le Sénat a accueilli une ardente défenseure et une guerrière de l’accès aux soins de santé, de la lutte contre le tabagisme et le vapotage et des services à la minorité linguistique de sa province.

Quand elle a été nommée, le magazine The Canadian Jewish News a dit d’elle qu’elle était peu connue en dehors de son parti et des cercles professionnels qu’elle fréquentait. Comme les choses ont changé depuis. De nos jours, quiconque s’intéresse le moindrement au Sénat connaît la sénatrice Judith Seidman. Dès le départ, elle a fait profiter notre assemblée de ce mélange unique de rigueur intellectuelle, de compassion et de gros bon sens qui la caractérise. Quand elle prenait la parole, nous nous arrêtions et nous tendions l’oreille parce que nous savions qu’elle insufflerait sa grande sagesse et son dynamisme au débat. Elle n’a jamais eu peur de poser des questions difficiles ni de défendre ses principes avec détermination.

Nous saluons également sa contribution aux travaux du Comité des affaires sociales et du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Je crois que la preuve de l’immense respect que nous avons pour vous, Judith, est que nous vous avions accordé à vous, en tant que présidente, et à vos collègues de ce comité notre entière confiance pour défendre notre réputation collective. Merci pour le travail que vous avez accompli au sein de ce comité. Dans tous les comités où vous avez siégé, beaucoup d’études ont eu à passer le « test Seidman » exigeant des conclusions solides, de bonnes données ainsi que des arguments et des recommandations logiques.

Vous laissez un legs d’intelligence, d’intégrité et d’engagement indéfectible pour la santé publique et les valeurs démocratiques.

Au nom de vos collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je peux vous dire que vous nous manquerez et que nous vous souhaitons une merveilleuse retraite.

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole au nom du Groupe progressiste du Sénat afin de rendre hommage à l’honorable Judith Seidman.

À l’approche de la fin d’une semaine mouvementée et fructueuse, il est bon d’avoir l’occasion de nous poser un instant dans le but de souligner et de se remémorer la carrière fructueuse et bien remplie de notre collègue au Sénat.

Pendant plus de 15 ans au Sénat, la sénatrice Seidman a fait la preuve de son engagement indéfectible envers le service public.

La sénatrice Seidman a été une ardente défenseure des dossiers sur les enjeux sociaux et la santé en participant à des initiatives telles que La science rencontre le Parlement et Femmes au Parlement; en parrainant des mesures législatives comme la Loi de Vanessa; en se consacrant à des questions importantes comme le système de soins de longue durée et le vieillissement à domicile; en exprimant ses préoccupations au sujet de la réglementation sur le vapotage et en siégeant au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pendant la majeure partie de son mandat au Sénat.

Au fil des ans, dans le cadre de son travail au sein du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et dans son rôle actuel de présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, elle a démontré sa volonté d’assurer le bon fonctionnement administratif de notre institution et nous a incités à toujours viser les plus hauts niveaux d’intégrité et de responsabilité dans notre travail et nos activités.

Je tiens aussi à souligner sa contribution importante à l’un des dossiers les plus éthiquement complexes de notre époque, celui sur l’aide médicale à mourir. En 2016, la sénatrice Seidman a participé aux travaux du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Cette expérience l’a certainement préparée à intervenir dans les débats sur le projet de loi C-14 et sur le projet de loi C-7. Bien que j’aie seulement pu assister à celui sur le C-7, j’ai trouvé très utile d’entendre le point de vue des sénateurs qui ont fait un énorme travail sur le C-14. En ces périodes de grande réflexion et de transformation

juridique, elle a su apporter clarté, compassion et détermination à un dossier aussi complexe que personnel.

Sénatrice Seidman, nous nous souviendrons de vous pour votre sollicitude et pour l’immense respect que vous vouez aux responsabilités confiées aux sénateurs que nous sommes.

Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je vous remercie des services que vous avez rendus à notre institution et de votre immense contribution. Nous vous souhaitons le meilleur pour les années à venir.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jessica Ripley, la fille de la sénatrice Seidman, de son gendre, Steve Soifer, et de son petit-fils, Zac Ripley Soifer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

L’honorable Judith G. Seidman – Remerciements

L’honorable Judith G. Seidman : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Sénateur Housakos — Leo —, sénateur Gold — Marc —, sénatrice Saint-Germain — Raymonde —, sénateur Tannas — Scott —, et sénateur Francis — Brian —, un grand merci du fond du cœur.

Votre Honneur, il me semble indiqué de me tourner d’abord vers vous avant de commencer, comme on le fait habituellement lorsque vous nous donnez la parole. Je vous remercie.

Le 15 septembre 2009, le premier jour de séance du Sénat après la pause estivale, j’étais assise en compagnie de huit futurs confrères et consœurs dans une petite pièce magnifique, le salon de la Francophonie, tout près de la salle du Sénat, dans l’édifice du Centre. Je me pinçais. C’était sans doute de cela qu’il était question lorsqu’on parlait d’« expérience extracorporelle ».

Nous étions tous assis dans une grande salle de conférence à attendre sagement, mais avec nervosité, que notre nom soit nommé pour entrer dans la Chambre rouge. Alors que les gens entendaient leur nom et qu’ils sortaient les uns après les autres, vraisemblablement pour faire leur entrée dans la salle, quelqu’un a dit : « Et si, en traversant la porte, on sombrait dans le fond de nulle part, comme dans Alice au pays des merveilles? » Eh bien, certains jours, sur la Colline du Parlement, on a vraiment l’impression d’être Alice qui tombe dans le terrier.

Pour moi, c’était un honneur et un privilège immenses que d’avoir été nommée sénatrice par le très honorable Stephen Harper, qui était alors premier ministre, mais j’y voyais aussi une grande responsabilité. Je le remercie de la confiance qu’il m’a accordée alors.

Au cours de ces 16 années, j’ai appris à comprendre pleinement le devoir qui m’a été confié en tant que sénatrice du Québec, celui de donner une voix à ceux qui n’en ont pas, en particulier les minorités du Québec.

Honnêtement, je n’aurais jamais imaginé me retrouver dans cette auguste Chambre. C’est vrai que pendant que mes amis tapissaient leur chambre d’affiches de vedettes rock au secondaire et à l’université, je posais des affiches de candidats politiques. Au fil des ans, la politique est devenue ma passion et mon passe-temps. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours pensé que nous avions beaucoup de chance de vivre au Canada, et que nous ne devions pas tenir notre démocratie pour

acquise. Il est donc de notre responsabilité de veiller à ce que les libertés et les possibilités dont nous jouissons en tant que Canadiens ne soient jamais compromises. Selon moi, la meilleure façon d’y parvenir était de trouver un moyen de m’engager dans la sphère publique et de donner en retour à nos communautés pour les remercier de tout ce qu’elles nous ont donné.

Si j’ai eu la chance d’avoir de bons professeurs et de bons amis au fil des ans, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la personne qui a exercé la plus grande influence dans ma vie a été l’homme attentionné et déterminé que j’ai connu dès ma naissance, c’est-à-dire mon père. Il m’a enseigné, à moi l’aînée de trois filles, les valeurs, les principes, le courage, la force, la loyauté et l’engagement. Tout au long de sa vie, il m’a montré un bel exemple d’implication dans le service public, principalement et surtout dans son travail auprès des jeunes en tant qu’innovateur à l’échelle locale, provinciale, nationale et internationale.

Chers collègues, je dois admettre que ce moment charnière, la fin de l’une des périodes les plus importantes de ma vie, c’est-à-dire les 16 dernières années passées au sein de la famille du Sénat, me pousse à faire une sorte de bilan. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la chance que nous avons d’avoir du temps dans notre travail ici, de pouvoir avoir une vue d’ensemble et d’intervenir dans les grands dossiers qui touchent notre pays

Comme vous l’avez entendu aujourd’hui et comme beaucoup d’entre vous le savent, la plupart des travaux que j’ai effectués ici au fil des années ont été axés sur les soins de santé et la politique sociale, deux domaines dans lesquels le gouvernement fédéral a des compétences limitées, mais dans lesquels le leadership national occupe une place importante, voire nécessaire. Vous m’avez entendue débattre de projets de loi d’initiative ministérielle et poser des questions à des ministres ou au leader du gouvernement.

Les mesures législatives d’initiative ministérielle portant sur la santé que nous avons adoptées au Sénat, parfois avec des amendements, mais toujours après un second examen objectif, comme les lois sur le cannabis et le vapotage, les projets de loi sur l’assurance-médicaments et les soins dentaires, la Loi canadienne sur l’accessibilité, la Prestation canadienne pour les personnes handicapées et les mesures législatives sur l’aide médicale à mourir, ont été importantes en soi, mais nous devons nous attaquer à des questions encore plus importantes.

Selon moi, les défis les plus difficiles auxquels nous sommes actuellement confrontés dans le domaine de la santé sont notamment les suivants : les moyens de fournir des soins de santé primaires de première ligne et des services sociaux efficaces à une population qui prend de l’âge et qui souhaite vieillir à domicile sans quitter sa communauté; la solution aux pénuries aiguës de ressources humaines dans le secteur de la santé et aux graves faiblesses systémiques de nos systèmes de santé; les moyens de mettre en place les infrastructures nécessaires pour répondre au besoin urgent de données nationales robustes et normalisées en matière de santé, notamment pour faire face à des crises comme la pandémie que nous venons de traverser.

Nous devons nous poser une autre grande question qui est au cœur de la raison d’être de notre institution, chers collègues. Allons-nous effectuer l’examen législatif des projets de loi importants, en particulier ceux qui nécessitent une révision et une évaluation scientifiques continues, pour tenir compte des changements apportés aux politiques de santé qui pourraient avoir des conséquences imprévues?

Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a d’abord été mis sur pied en décembre 2015 à la suite de l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général) de la Cour suprême, devait conseiller le gouvernement sur la mise en place d’un cadre fédéral pour l’adoption des mesures législatives nécessaires visant à rectifier ce qui, selon la décision, contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Ce fut un privilège de faire partie de ce comité aux côtés de quatre de mes collègues du Sénat — les honorables James Cowan, Serge Joyal, Nancy Ruth et Kelvin Ogilvie —, qui ont tous pris leur retraite, ainsi que de 11 députés. Nous avons travaillé pendant deux mois et nos recommandations ont mené à l’adoption de la toute première loi canadienne sur l’aide médicale à mourir.

J’estime que cette étude a été l’une des plus éprouvantes, tant sur le plan intellectuel que sur le plan émotionnel, de toute ma carrière de parlementaire.

Consciente du rôle fondamental que joue le Sénat dans la protection des intérêts des minorités, je me suis toujours efforcée de plaider la cause des communautés anglophones du Québec. J’espère sincèrement avoir bien rempli ma mission à cet égard.

Chers collègues, j’ai collaboré de près avec tellement de gens parmi vous au fil des ans, que ce soit pour les travaux des comités, un projet donné ou un dossier d’actualité. Dans l’ensemble, les comités ont réalisé de grandes études qui, selon moi, ne devraient surtout pas s’empoussiérer sur une tablette. Vous savez que j’ai souvent cité les constatations et les recommandations pertinentes des études des comités sénatoriaux pendant nos délibérations, dans l’espoir que nous puissions nous en inspirer.

J’ai aussi été porte-parole de l’opposition pour de nombreuses mesures législatives. Collaborer dans le but d’offrir un meilleur texte législatif aux Canadiens, voilà l’objectif auquel nous aspirions toujours. Je vous remercie, honorables sénateurs, ce fut à la fois inspirant et formateur de travailler avec vous au service des Canadiens.

Pour ce qui est des travaux réalisés depuis cinq ans par le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, j’ai été privilégiée que vous me fassiez assez confiance pour traiter les nombreuses questions de nature très délicate se rapportant au code d’éthique dont le comité est saisi. Je peux vous assurer que nous avons toujours gardé à l’esprit que notre objectif premier consistait à superviser le code d’éthique des sénateurs et à préserver l’intégrité du Sénat.

Un merci tout spécial à mes collègues du comité. Ce fut un honneur de servir cette institution à vos côtés

Avant de partir à la retraite, je dois parler de la grande famille qui nous apporte son soutien, vous tous qui êtes notre source constante d’énergie, ceux qui nous entourent et qui rendent notre travail possible à bien des égards. Je vois cela comme un grand cercle qui commence avec notre greffière du Sénat, Shaila Anwar, qui travaille sans relâche pour créer un environnement de travail de la plus haute qualité pour tous. J’ai beaucoup appris en travaillant avec vous, Shaila. Merci.

Je tiens à remercier notre huissier du bâton noir et les pages du Sénat qui, chaque jour, nous apportent de l’eau et d’autres articles indispensables, avec le sourire, pendant que nous sommes à nos pupitres dans la salle.

Je remercie le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, les greffiers au Bureau et les personnes qui travaillent dans les coulisses et veillent au bon fonctionnement et à l’ordre au Sénat.

Je tiens à remercier la légiste et conseillère parlementaire qui a apporté une aide précieuse au Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts et qui rédige bon nombre des projets de loi d’intérêt public du Sénat.

Je remercie le Service de sécurité du Sénat, désormais les Services de protection parlementaire, qui se soucient vraiment de notre sécurité. Nous le constatons chaque jour dans leurs actions.

Je remercie nos équipes dévouées des directions de l’Administration : Ressources humaines, Finances, Informatique et télécommunications, Sécurité institutionnelle, Services des immeubles, Communications, Services de télédiffusion, Publications et Comités. Elles sont toujours prêtes à trouver des solutions à nos nombreux problèmes.

Enfin, je tiens à saluer plus particulièrement les chauffeurs des minibus, qui n’hésitaient pas faire un petit bout de chemin de plus pour nous pendant les longues et froides nuits d’hiver qui suivaient les séances prolongées.

À vous tous, je dis : « Un million de roses, un million de mercis. »

Mes remerciements et ma gratitude vont aussi aux greffiers du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs que j’ai côtoyés au fil des ans pour leur professionnalisme, leur soutien, leurs conseils et leur dynamisme. Merci donc à Marie-Eve Belzile et à Joëlle Nadeau, mais aussi à Shaila Anwar et à Gérald Lafrenière, qui ont répondu « présents » quand le besoin s’est fait sentir.

Merci à l’équipe de direction et à la petite, mais ô combien redoutable équipe de mon caucus, surtout pour votre soutien et votre amitié pendant toutes ces années. Je pars avec la conviction qu’avec sa grande expérience, notre leader, le sénateur Housakos, saura vous guider et vous éviter les écueils qui vous attendent.

Merci aussi à la conseillère du Bureau du whip, Karma Macgregor, dont le dévouement et la très grande efficacité ont été d’une grande utilité aux quatre whips à qui elle a prêté main-forte au fil des ans. Mon mandat à moi à titre de whip de l’opposition a coïncidé avec la pandémie de COVID, et c’est pour cette raison qu’on a fini par me surnommer « la whip COVID ». J’ai ainsi pu veiller sur la santé et la sécurité de tous mes collègues du Sénat, notamment grâce à mon passé d’épidémiologiste. Le style tyrannique généralement associé aux fonctions de whip, ce n’est pas ma vocation.

Au personnel de l’équipe de direction du troisième étage : que ferions-nous sans vous? Vous étiez toujours prêts à donner un coup de main, malgré les longues journées et les séances prolongées.

Je veux aussi remercier certaines personnes de mon bureau : Valérie Wolfe, qui m’a accompagnée dès le début pour m’apprendre les processus et les procédures, ainsi que tout ce qui concerne le Sénat; Gabrielle Bérard, qui était une conseillère compétente en matière de législation sur la santé; et Valerie Michailovich, qui a dû travailler dans l’isolement pendant la pandémie de COVID, mais qui s’est toujours lancée avec enthousiasme et vivacité dans toutes les recherches. J’étais très fière lorsqu’elle a décidé de poursuivre ses études pour obtenir une maîtrise en santé publique. Je veux aussi remercier Sylvie Clément, à savoir la personne qui veille tous les jours au bon fonctionnement de ma vie au Sénat, dans tous ses aspects. Nous avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble au cours de ces dernières années. Sylvie, vous avez dirigé l’équipe de notre bureau, et j’ai toujours apprécié vos conseils, votre jugement et votre capacité d’organiser les choses avec calme pour que tout reste stable, même dans les moments les plus intenses que nous vivons tous ici.

Je veux aussi transmettre un message à ma merveilleuse famille : mes défunts parents, Riva et David; mon défunt mari, John; mon défunt mari, Olli; mes sœurs et beaux-frères, Iris, Stephen, Bonnie et Renaud; ma fille que j’aime tant, Jessica Ripley; mon gendre Steve Soifer; et mon incomparable petit-fils Zac. Je vous aime tous très fort. Merci pour votre patience, votre soutien et votre amour inconditionnel pendant toutes ces années où je ne vous ai probablement pas accordé toute l’attention que vous méritez, mais ce moment approche.

Jessica, si je puis m’exprimer d’une génération à une autre génération, tu as toi aussi choisi de redonner à ta communauté et à ton pays par l’intermédiaire de ton travail et de ton leadership national dans le domaine de la justice pour les jeunes. Tu es une source d’inspiration pour moi.

Chers collègues, je suis très reconnaissante et je me sens très chanceuse d’avoir eu le privilège de servir les Montréalais, les Québécois et les Canadiens pendant ces 16 dernières années.

Enfin, il me semble approprié de terminer en citant mon petit-fils bien-aimé, Zachary Ripley Soifer, qui m’a dit, alors qu’il n’avait que 10 ans : « Grand-maman, ne suis pas ton ombre, regarde vers l’avenir. » Je vais essayer de suivre ce conseil qu’il m’a fait quand il était tout jeune.